transcription
Episode 4 : La culpabilité
Nous poursuivons cette deuxième série du podcast sur les ressentis des victimes d’inceste, une série donc plus intimiste, une série qui expose un peu plus, qui rentre dans ce que la victime d’inceste vit au plus profond d’elle-même, au-delà des chiffres, pour mettre de la conscience sur ce que les personnes ressentent quand elles ont subi l’inceste.
Dans cette série,
- je vous parle de ma perception, d’un angle de perception, qui ne sera pas clairement exhaustif,
- j’ai l’intention d’amener de la compréhension, pour mettre du sens sur le vécu,
- et j’inclurai mon épisode d’extraits aussi de témoignages. Je vous donnerai d’ailleurs les références de ces témoignages dans la description de l’épisode.
Dans cet épisode, j’aborde dans cet épisode la notion de culpabilité, souvent associée à la honte
J’ai volontairement séparé les deux, pour comprendre profondément les mécanismes de chacun des deux aspects
- A quoi correspond cette culpabilité ?
- Comment elle se manifeste ?
- Et pourquoi finalement c’est la personne qui a subi les agressions qui se sent coupable ?
- Et comment sortir de cette culpabilité
C’est ce que nous allons voir dans cet épisode.
Bienvenue dans le troisième épisode : La culpabilité dans l’inceste : je me sens coupable. Troisième épisode de la 2ème série sur les ressentis du traumatisme du Podcast Traumatisme & renaissance, l’inceste, par Hélène Dujardin
Je me sens coupable, mais de quoi ou juste ?
Le sentiment de culpabilité est parfois un sentiment diffus dans son contenu. C’est envahissant, mais finalement on ne sait pas exactement de quoi on se sent coupable.
Une première étape est de discerner ce qui est présent derrière cette culpabilité, pour mieux la cerner, la comprendre, mieux comprendre les mécanismes. Et c’est ce que nous allons faire déjà maintenant
La culpabilité peut donc prendre plusieurs formes :
1/ On peut se sentir coupable de ne pas avoir dit non, d’avoir laissé faire. « Je ne me suis pas défendue, je n’ai pas crié, du coup c’est de ma faute. Je n’avais qu’à partir ou dire non ».
- Le raisonnement à un niveau parait évident, mais la réalité biologique de la peur est tout autre. Si vous avez écoute la première série de mon podcast sur les mécanismes du traumatisme, vous comprenez probablement les ressorts de ce qui se passe. Confronté à la peur, la menace de l’agression, faite par une personne en qui nous avons normalement confiance, le cerveau se met en mode de « sauvegarde » en disjonctant, nous nous figeons. Concrètement, cela fait sentir que nous ne bougeons plus, que cela devient comme irréel, nous ne sentons plus, devenu inerte, comme un objet… La menace est trop forte pour le corps et le psychisme, nous n’avons pas accès à la fuite, ou ne pouvons pas nous défendre dans la situation.
- Ce qui explique que nous ne pouvons pas dire non et avons l’impression de laisser faire.
2/ puis et c’est mon deuxième point, On peut se sentir coupable d’avoir provoqué la situation,
- et ce d’autant plus si on a conscience que c’est interdit, ou que l’agresseur nous fait porter la culpabilité
- là, se joue confusion entre la demande d’amour de l’enfant, et la réponse « hors la loi » de l’adulte qui répond par le sexe et l’emprise, qui peut prendre une forme de chantage dans la relation
je vous propose d’écouter un extrait de l’interview de Corinne Masiero par Sonia Devillers dans une émission sur France Inter, en prévision de la diffusion d’un documentaire qui a été diffusé sur France télévision « l’inceste, le dire et l’entendre » en 2022.
https://www.youtube.com/watch?v=wF5AYhLhRJk
Corine 16.00/16.40
- Corinne Masiero évoque bien la confusion entre la demande d’amour, d’affection et la réponse par l’inceste.
- Quoi qu’il arrive, c’est l’adulte qui doit donner des repères. Et dire non, et pas l’enfant. C’est de sa responsabilité. Et c’est justement ça qui est complètement brouillé dans l’inceste, les repères. Voire l’inceste qui est normalisé.
Ecoutons aussi un extrait du documentaire « la loi du silence » un podcast de 4 épisodes diffusé par France Culture où une des victimes Marie parle de cette normalisation dans l’inceste qu’elle a subi par son père
4.38/5.05
- Finalement c’est une emprise qui fait « naturellement » entre l’agresseur et la victime
5.40/6.14
Ceci était un autre extrait du même documentaire
3/ 3ième point, On peut aussi se sentir coupable d’avoir ressenti du plaisir. Et c’est une 3ème forme de culpabilité
- J’en ai parlé dans le précédent épisode sur la honte, puisqu’on peut également ressenti de la honte d’avoir pris du plaisir. Il s’agit d’une réaction normale biologique, face à des stimulations sexuelles. Cette réaction est mécanique. Et cela ne dit rien par rapport à l’intention de la personne qui éprouve ses sensations. Elle n’est pas responsable de cela. Et cela ne va pas dire qu’il y a eu consentement de la personne agressée.
4/ On peut se sentir coupable de ressentir des sentiments d’affection par rapport à l’agresseur.euse.
- Il y a un mélange terrible à l’intérieur de soi, l’agresseur est un membre de la famille auquel on tient, une personne de confiance. Et on peut se sentir coupable de ressentir cette affection alors que cette personne nous a fait du mal. Les ressentis mélangés d’amour, de haine, provoque beaucoup de culpabilité
5/ On peut se sentir coupable à l’idée de le dire, de briser un secret, avec la peur de faire exploser la famille
- La famille est normalement un espace de protection, de sécurité, qui s’effondre avec l’inceste. La personne qui subit les agressions peut se sentir coupable de briser cette famille, son semblant d’harmonie.
- Et puis, associé à ça, il y a tout le silence, le tabou de l’inceste, rempli de non dit, de non clarté, de silenciation autour des gestes sexuels. Les repères ne sont pas clairs. L’enfant est né, a grandi dans ce contexte-là, les parents, la famille également.
- Derrière tout cela, il y a tout ce qui est sociétal à propos de l’inceste, transgénérationnel également, je ferai une série spécifique sur les liens transgénérationnels et j’aborderai ce point dans cette série là
- Dans le fait de le dire, on peut se sentir coupable dans ce cas des conséquences possibles sur l’agresseur.euse
Dans la culpabilité, il y a la notion de responsabilité, l’abilité de pouvoir répondre de ces actes
Or, tout est là. Dans l’inceste
- Les repères, les limites ne sont pas clairs
- Les rôles et responsabilités, les liens ne sont pas clairs
- Il y a un abus de pouvoir sur la personne victime
- Il y a un écrasement des générations, une problématique de collage, tout est mélangé
Que cela soit directement lié à l’agression, autrement dit si l’agression est faite par une des figures d’attachement et que cela soit en contexte dans lequel les agressions ont lieu
C’est ça qui amène à la culpabilité de la personne victime dans l’agression.
Comment la culpabilité peut se manifester ?
Différentes formes de dissociation : coupure pour ne pas sentir la douleur associée à la culpabilité
- Boucles mentales, tourne dans la tête, sans résolution
On peut entendre comme une petite voix qui tourne en boucle dans la tête et qui nous répète que c’est notre faute, qu’on l’a bien cherché, qu’on le mérite, qu’on aurait dû faire quelque chose pour l’empêcher. C’est une façon aussi que trouve notre organisme pour essayer de « gérer » les émotions en lien avec la culpabilité qui sont insupportables et de devoir le faire seul, en soi
- La culpabilité qu’on retourne contre soi
- La culpabilité peut aussi se traduire dans le corps, on est alors associé à la sensation de l’émotion, la ressentir. Et on peut retourner cette « énergie » de la culpabilité contre soi. Comme on ne peut pas agir à l’extérieur, exprimé ce qui est ressenti, cela se retourne contre soi.
- Et trouver d’autres façons de « gérer » ces sensations insupportables, les troubles alimentaires, l’auto mutilation….etc. cela peut être combiné à du dégoût de soi, je reviendrai là-dessus dans un autre épisode de cette série dans « je me sens sale »
Comment se sortir de la culpabilité ?
- Pour moi, cela passe par plusieurs étapes, celle de pouvoir passer de coupable à victime, de reconnaitre les faits, séparer les responsabilités en allant rencontrer les émotions en lien avec la culpabilité. Et en ayant travaillé aussi sur la honte, qui peut verrouiller l’accès à la culpabilité. La honte verrouille plus que la culpabilité, elle ne se montre pas. La culpabilité est autre, peut se dire un peu plus.
- Le processus va permettre de se réapproprier son histoire, pour ensuite sortir du statut de victime. Cette pulsion de vie qui commence à sortir, le fait d’en avoir marre d’être victime, pour récupérer ensuite sa puissance, son énergie, sa posture d’affirmation vs le fait de subir, la posture basse.
- Et cela peut passer par de la colère qui a besoin d’être vue, entendue, écouté, accompagnée
- Concrètement, vous comprenez que cela passe par un parcours en thérapie qui accompagnera dans ces points de passage délicats qui demandent du soin, de l’écoute, de l’humanité
Voilà c’est la fin de cet épisode, si vous avez aimé cet épisode, n’hésitez pas à le partager autour de vous et à vous abonner ; et surtout ça serait génial si vous pouvez prendre quelques minutes pour mettre 5 étoiles sur Apple Podcast ou spotify ou une autre application de Podcast, ça va aider énormément ce podcast. Merci à vous. Je vous retrouve mardi prochain pour un nouvel épisode, d’ici là, prenez bien soin de vous !