transcription
Vous vivez des crises d’angoisse dans des situations similaires, prenant le train, le métro par exemple. Les sensations qui vous font peur, et c’est plus fort que vous ?
Vous vous retrouvez dans des schémas répétitifs relationnels, rencontrant le même type de situations, personnes, sans comprendre ce qu’il se passe ?
Eh bien, vous êtes au bon endroit pour comprendre ce qu’il se passe pour vous, avec des voies pour vous en sortir !
Dans cet épisode, vous pourrez comprendre qu’est ce qui se bloque dans le corps, lors d’un traumatisme, et amène à ces répétitions et à ces voies de « sorties impromptues », comme les crises d’angoisse.
Bienvenue dans le cinquième épisode : le vécu de l’état du traumatisme au présent : quand le corps essaie de trouver des voies de sortie du traumatisme. Cinquième épisode de la série sur les mécanismes du traumatisme du Podcast Traumatisme & renaissance, l’inceste, par Hélène Dujardin
Pour comprendre ce qui se passe lors d’un événement traumatique et introduire cet épisode sur les tentatives de voie de sortie du traumatisme et les schémas répétitifs, je vais m’appuyer sur l’exemple que donne Peter Levine qui part de son expérience même.
Alors Peter Levine est un psychothérapeute américain, un des grands spécialistes des traumatismes encore vivant aujourd’hui. Il a développé une méthode de guérison du traumatisme : le Somatic Experiencing, méthode qui s’appuie la dimension somatique de l’expérience traumatique.
Je vous encourage, si vous ne l’avez pas écouté, d’écouter mon premier épisode sur la physiologie du traumatisme, cet épisode en est l’illustration et le prolongement.
Je vous raconte l’expérience que Peter décrit dans son livre « guérir par delà les mots » :
- C’est le début d’une journée presque parfaite lorsque Peter quitte sa maison en Californie du Nord. Il marche dans la rue, avec joie pensant qu’il va bientôt retrouver un ami pour fêter son soixantième anniversaire. Il marche vers et sur un passage piéton et, paf, il se retrouve couché sur la route, incapable de bouger et de respirer, hagard, sans comprendre ce qu’il vient de se passer. Plein de gens se précipite vers lui et forme bientôt un cercle au-dessus de lui. Lentement, il cherche à s’orienter et à identifier la personne qui a fait ça. Il revoit dans un flash une voiture beige et une jeune femme adolescente qui sort de la voiture horrifiée. Il réalise alors qu’il vient de se faire renverser par une voiture.
- L’ intervention est ensuite plutôt brutale : Un homme se précipite près de lui, Il se présente comme un auxiliaire médical. Peter commence un mouvement pour voir d’où vient la voix, mais l’homme lui ordonne sévèrement de ne pas bouger la tête. Il ressent alors une étrange dislocation et a l’impression de flotter et d’observer la scène au-dessus de son corps. Il est ramené à la réalité quand l’auxiliaire lui saisit brutalement le poignet pour prendre sa tension. L’auxiliaire lui attrape maladroitement la tête pour l’empêcher de bouger. Ses actions font paniquer Peter et le paralyse davantage. Peter vit un état de terreur : peut-être a-t-il le cou brisé ? Il ressent le besoin de trouver un regard qui le réconforte, mais il est trop terrifié pour pouvoir bouger. L’homme le bombarde de questions : « Quel est votre nom ? Où êtes-vous ? Où allez-vous ?… » Il ne peut répondre jusqu’au moment où il arrive à former des mots pour lui demander de reculer.
- Le pouvoir de la bienveillance : au bout de quelques minutes, une femme pédiatre intervient discrètement en lui proposant son aide. Il lui demande de rester. Son visage est calme et amical. Elle lui prend la main. Leurs yeux entrent en contact. La senteur familière de son parfum lui fait comprendre qu’il n’est pas seul. Il se sent soutenu dans ses émotions par sa présence encourageante. Une vague de relâchement le traverse et il inspire profondément pour la première fois. Un frisson lui parcourt le corps et il commence à trembler. Ses larmes se mettent à couler. Il ne peut pas croire ce qu’il lui est arrivé. Ce n’est pas ce qu’il avait prévu. Peut-être va-t-il finir infirme ? Mais la présence continue de cette femme le soutient et sa peur commence à décroître. Une intense fureur fait irruption dans son ventre : comment cette gosse stupide a-t-elle pu le renverser ?
Peter Levine continue à décrire son expérience avec l’arrivée de l’ambulance, ce qui se passe au niveau hospitalier, où d’autres traumatismes peuvent également ajouter au choc d’avoir été renversé par la voiture, mais j’en arrêterai là. Je veux ici vous expliquer le principe et l’essentiel se comprend par le début de l’expérience
Justement, quand on décrypte l’expérience de Peter,
- on comprend que l’expérience du traumatisme passe par le corps, qu’elle est liée à l’évenement lui-même. Ici se faire renverser par une voiture.
- Mais surtout à l’après. A savoir comment l’expérience entre guillemet a pu être ou pas accompagnée par un autre être humain. On voit ici le contraste entre l’expérience avec l’auxiliaire médical et la femme pédiatre.
- L’auxiliaire médical est maladroit dans ses gestes, brutal, perçu comme sévère dans ses mots : clairement, il n’apporte pas de lien sécurisant, réconfortant pour Peter. Peter se dissocie, se coupe pour supporter l’expérience.
- La femme pédiatre, elle, apporte par sa voix, ses gestes, le contact de la main… du réconfort, du soutien, qui permet à Peter d’accueillir son émotion ; cela va permettre à Peter que l’émotion ne se fige pas dans son corps.
- Un peu plus tard, dans l’ambulance, Peter pourra rester associé à son corps, pour en suivre le mouvement, pour que l’énergie de la sensation ne reste pas bloquée dans le corps.
Quand on regarde l’expérience de Peter, au niveau du choc lui-même, puis de l’expérience avec l’auxiliaire médical : c’est exactement ce qui fait traumatisme. L’expérience d’un événement, non accompagnée, accueillie dans son expérience par un autre humain, et pour l’enfant bébé et petit par ses figures d’attachement, les parents. La figure d’attachement est la personne qui répond aux besoins de l’enfant. Il s’agit notamment des parents.
En l’occurrence, par rapport à l’inceste, la personne victime d’inceste vit une attaque par un autre être humain, avec lequel elle est un lien, et peut-être même un lien où elle se sent en confiance et en sécurité. Elle vit une menace sur son intégrité physique et psychique, qui provoque de la stupeur, de l’effroi, de la terreur.
- Au moment de l’agression, ce choc est vécu comme un danger sans possibilité de fuite, ou de combat, amène le figement dans le corps et le psychisme de la personne.
- L’énergie est alors bloquée dans le corps au moment de l’agression.
- Et si après, rien n’a pu être dit, car sous la menace de l’agresseur,
- ou sans menace, gardé pour soi, dans un vécu terrifiant, mélangé de sensations et d’émotions douloureuses, sans compréhension, avec une confusion dans le lien avec l’agresseur, et la recherche d’affection, une confusion aussi dans les sensations perçues
- ou encore si l’enfant victime a dit, sans être écouté, entendu, ou étant vaguement entendue, sans être défendu, en minimisant, ou pire en remettant en cause les propos : « non ce n’est pas possible » « non, ce n’est pas son genre » « non mais qu’est ce que tu dis là »…
- Alors, le traumatisme se fige dans la personne, la sensation et l’émotion restent enksytées, bloquées.
Donc, on voit bien que ce qui fait le traumatisme, est à la fois :
- La, les agressions
- Et l’après : s’il y a eu quelqu’un, une figure d’attachement pour être là avec l’enfant ou pas, sa présence ou son absence, puis, comment a réagi cette figure d’attachement auprès de l’enfant. Cette figure d’attachement
Ici dans l’inceste, ce sera d’autant plus dramatique que si l’agresseur a un lien d’attachement direct avec l’enfant.
Dans l’inceste, il y a une agression :
- Qui vient d’un être humain
- Qui est intentionnel
- Qui vient d’un endroit où on devrait se sentir en sécurité et non en danger
- Du corps, de son intégrité, une violation de l’intégrité
- De l’intimité corporelle, sexuelle
- Une perversion du lien, une distorsion des repères de sécurité
Bref, ce sont de multiples endroits où il y a se créer des figements, des morcellements à l’intérieur de soi. Et, avant l’inceste, et après, il y a en « parallèle », comment s’est construit notre sécurité en lien avec les parents et comment ceux-ci ont réagi ou pas par rapport à l’inceste.
Ensuite, notre cerveau est constitué pour associer les choses, et ici pour trouver une voie de sortie des figements, comme pour se « réunifier ». Autrement dit, la sensation bloquée va essayer de sortir.
Comme la mémoire est fragmentée, traumatique : c’est un déclencheur rappelant l’événement qui va déclencher la mémoire traumatique et faire vivre aujourd’hui les mêmes sensations que l’événement initial.
- Le déclencheur est un aspect de l’événement
- Cela peut être un lieu, un moment, une odeur, un trait physique, une ambiance, une circonstance qui a des traits communs avec le ressenti, une posture…
- Parfois, le lien avec le déclencheur est l’inceste se fait facilement, c’est assez clair. Si tant est qu’il n’y ait pas d’amnésie traumatique. Parfois, c’est très subtil, et peu lisible. Le cerveau qui cherche à comprendre ne fait absolument par le lien dans ce qui se passe. Ne relie pas l’événement initial et la crise d’angoisse ou autres symptômes où la sensation essaie de sortir
Par exemple
- Une circonstance qui amène le même ressenti : La peur de se retrouver bloquée dans un endroit, le cinéma, le théâtre, être en milieu d’une rangée vs au bout d’une rangée. La configuration rappelle au corps la sensation d’être bloquée et fait vivre une grande insécurité. Ce même blocage ressenti lors des agressions
- Toujours avec cette notion de circonstance : la peur de prendre le train – endroit enfermé – ou le métro, l’avion
- Des moments comme celui de la nuit, du coucher.
- Des traits physiques, une attitude, une voix qui rappellent celui de l’agresseur
- La peur de l’autorité, des prof, des figures policières qui peut rappeler l’agresseur
- La peur de l’intrusion, des cambriolages
- La peur de la maladie, et derrière de la mort, avec le vécu de mort vécu lors des agressions
- Des peurs, un peu plus codées, moins directes, comme la peur des chiens qui rappellent la menace de l’attaque, ou celle des pigeons par exemple
Et ces insécurités font comme des boucles qui viennent et reviennent encore, tant que l’insécurité est vécue seul, comme elle l’a été vécue dans le passé. Ces boucles sont appelées « pattern » autrement dit schémas, dans le langage de la psychologie.
Un élément est « interpreté » par le cerveau, comme une menace majeure pour le corps, sans nuance, et connexion avec la réalité actuelle de ce qui se passe, sans discernement de la réalité du danger. c’est binaire, sécurité insécurité et là en l’occurrence insécurité.
Beaucoup d’insécurités sont aussi relationnelles, puisque c’est au cœur du traumatisme, avec des difficultés relationnelles ou certains schémas répétitifs.
Je vais consacrer une série de mon podcast sur les liens, construction de l’attachement, la notion de sécurité…
Mais, commençons déjà à aborder le sujet
Prenons l’exemple du harcèlement moral, qui va vous permettre de comprendre la notion de schéma répétitif
- Avant de vous en parler, juste aussi, vous dire que le schéma est complexe, les acteurs sont multiples, il y a le harceleur, l’entreprise, le groupe des employés. Je vais exposer un angle qui ne sera pas toute la complexité de la situation. Et qui relève de ma perception. Sachant que je sais que l’impact sur la victime est très important, qu’il y a plusieurs niveaux de lecture, et qu’il ne s’agit pas de mettre la faute de la situation sur la personne victime.
- Donc, Le harcèlement moral est une conduite abusive qui par des gestes, paroles, comportements, attitudes répétés ou systématiques vise ou conduit à dégrader les conditions de vie ou conditions de travail d’une personne (la victime du harceleur).
- Avec une lecture biologique de la situation, on a un harceleur qui attaque, et qui peut être également en position d’autorité sur la victime ; et une victime qui subit la situation. Normalement dans une attaque, la personne, de façon instinctive, se défend, pose des limites, là il y a qqch qui fait qu’on ne se défend pas, que la personne victime est en position de subir.
- Souvent, l’environnement contribue à la situation, en laissant faire, sans agir, sans défendre la personne harcelée. La victime se retrouve donc seule dans la situation.
- La personne victime essaie de faire plus, sans répondre aux attaques, ou sans fuir. elle ne peut pas mobiliser ces capacités de défense, qui restent figées
- Et ce non accès aux capacités de défense est le signe d’une blessure relationnelle, d’un trauma antérieur qui se rejoue dans le harcèlement. Voyez aussi dans cet exemple qu’il y a à la fois l’attaque du harceleur et aussi la posture du groupe.
Et puis, les difficultés relationnelles peuvent être dans la façon de se sentir, en confiance, en sécurité, avec l’autre ou pas.
- Et cela se joue à la fois directement en lien avec les agressions elles-mêmes et tout ce qui a pu être ressenti à ce niveau-là :
- la menace et donc la défiance en l’homme, la femme, en l’être humain
- le fait que l’autre soit « intéressé », d’être considéré comme un objet, que l’autre vous utilise
- le fait d’être l’élu, d’être choisi, de ne pas être choisi
- et cela se joue aussi avec l’entourage de la personne victime.
- Le fait de ne pas pouvoir compter sur l’autre
- Le fait de se sentir seule dans son vécu
- Le fait d’avoir peur de l’engagement….
Ce que je souhaite souligner ici, c’est comment concrètement, le traumatisme impacte le quotidien, comment c’est relié. Donc, dans le traumatisme, il y a une sensation émotion qui se fige à l’intérieur de la personne victime. Le cerveau cherche à l’associer. Et donc des situations vont rentrer en résonnance : ce sont des déclencheurs qui rappellent l’événement initial. Et donc par exemple l’inceste.
Le comprendre apporte un premier pas pour en sortir :
- Cela permet de comprendre que les crises d’angoisse, les pétages de plomb… n’arrivent pas ex nihilo et seraient donc comme une fatalité, avec beaucoup d’impuissance face à la situation
- Cela permet aussi de prendre la mesure de ce qui nous est arrivé. Oui, à la fois c’est lourd, puisque on se rend compte de l’impact. Mais je trouve aussi que cela permet de remettre les choses à leur place, de trier un peu les responsabilités vs une culpabilité parfois très présente de la victime
- Cela permet aussi d’ouvrir une voie pour s’en sortir. Il s’agira alors de s’occuper de la part de soi qui a été blessée, meurtrie… par l’agression en tant que telle et placée dans son contexte familial, s’en occuper à tous les niveaux, en premier lieu somatique, corporel, puis émotionnel et finalement cognitif
- Cela permet ensuite, de se reconnecter au présent, de retrouver une connexion aussi à ses ressources, de se construire de nouveaux repères, plus justes, actuels et adaptés
Tout cela pour dépasser le traumatisme et vivre sereinement au présent.
L’aspect intégratif – somatique/corps, parole/cognitif et lien/attachement – me semble très important dans l’accompagnement. L’aspect mental, cognitif seul ne suffit pas, à mon avis, pour traverser un traumatisme.
Voilà c’est la fin de cet épisode, si vous avez aimé cet épisode, n’hésitez pas à le partager autour de vous et à vous abonner ; et surtout ça serait génial si vous pouvez prendre quelques minutes pour mettre 5 étoiles sur Apple Podcast ou spotify ou une autre application de Podcast, ça va aider énormément ce podcast. Merci à vous. Je vous retrouve mardi prochain pour un nouvel épisode, d’ici là, prenez bien soin de vous !