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Episode 4 : Les symptômes du traumatisme de l’inceste : la vie bloquée dans l’état du traumatisme
Dans le trois premiers épisodes, nous avons décrypté le traumatisme à travers les vécus physiologiques et neuro-biologiques ainsi que l’impact du traumatisme sur la mémoire.
Mais, quels sont les impacts ? les symptômes du traumatisme ? comment se manifeste le traumatisme dans notre vie ? C’est ce que nous allons voir dans cet épisode.
Bienvenue dans le quatrième épisode : Les symptômes du traumatisme de l’inceste : la vie bloquée dans l’état du traumatisme. Quatrième épisode de la série sur les mécanismes du traumatisme du Podcast Traumatisme & renaissance, l’inceste, par Hélène Dujardin
Dans les 3 premiers épisodes de cette série sur les mécanismes du traumatisme et en particulier l’inceste, je vous ai partagé comment le corps a dû faire face au danger de l’agression.
Il n’a pas été possible de fuir, ou de combattre, faire face au danger. Notre système a dû disjoncter, par mesure de protection. Et donc, nous nous sommes alors dissociés. Notre organisme n’a pas reçu de message de fin du danger. et cela va entraîner des conséquences sur :
• Notre corps
• Notre perception du monde et des autres
• Notre lien à nous-mêmes et avec les autres
• Notre esprit, sur les aspects cognitifs et les croyances
Comprenez que notre monde s’organise alors en fonction d’une perception de danger maintenue
Dans cet épisode, je vais passer en revue les conséquences, symptômes du traumatisme en les reliant aux mécanismes biologiques. L’intention n’est pas de se plomber mais de mieux comprendre ce qui se passe pour vous, d’apporter de la clarté dans ce que vous vivez. Je trouve encore plus effrayant des symptômes, sensations incompréhensibles et qui paraissent incontrôlables. Et dans plusieurs séries, je reviendrai plus en détail sur ces symptômes.
Bien sûr, il s’agit de conséquences « générales », chacune des personnes victime le vivra différemment, et selon son vécu spécifique par ailleurs, ses points de « fragilité corporels » également.
L’autre point important est qu’il n’y a pas de corrélation entre les conséquences nommées et l’affirmation qu’un inceste ait eu lieu. Je précise cela pour les personnes qui ont des troubles de la mémoire. Prenez tout cela avec discernement. L’idée est de pouvoir comprendre comment une victime d’inceste, mais tout comme une victime de traumatisme, porte l’impact du traumatisme dans sa vie quotidienne.
Voyons donc les conséquences de ce bug, de l’ état dissociatif, autrement dit du traumatisme
Tout d’abord, la victime de traumatisme, en particulier d’inceste, vit dans un état latent que je nomme d’intranquilité et de maintien d’un niveau d’hypervigilance. C’est le 1er point que je souhaite aborder :
• En effet, comme le cerveau n’est pas informé que le danger est terminé, notre perception du danger a comme buggé. Elle est décalibrée. N’hésitez pas à écouter, réécouter les deux premiers épisodes pour bien intégrer cette notion.
• Notre corps, notre système autonome vit en interne des sensations de danger – les sensations de figement, reliquat du traumatisme.
• Et nous nous maintenons alors dans un état de tension interne, avec une anticipation des dangers, une orientation de notre attention vers ses dangers. D’ailleurs, nous pouvons être très tendu dans le corps, en particulier dans le haut du corps, notamment sur les zones autour des épaules, cervicales, pour maintenir notre état, ne pas sentir l’état d’angoisse qui reste tapis dessous. Nous faisons cela inconsciemment.
• L’hypervigilance peut se traduire par ses sursauts « excessifs », des mouvements réactifs, quand un événement extérieur surgit, signe que notre alarme intérieure est hyperactivée
En plus de bug de perception du danger, et c’est le 2eme point dont je souhaite parler : dans la dissociation, la « sensation de danger » reste bloquée dans le corps, dans un maintien de la sensation d’insécurité, une forme de mal être dans le corps
• Vous comprenez alors les états de mal être que vous pouvez vivre, et ceux-ci sont d’autant plus compliqué à vivre, que nous ne pouvons pas les relier à une cause. Soit parce qu’il y a une amnésie sur l’événement. Et même quand il y a conscience des agressions, la partie du cerveau qui comprend est dans ce cas coupée du cerveau plus primitif en lien avec la sensation.
• Vous comprenez aussi l’incapacité à se poser : se poser est dangereux, comme un danger de mort, et donc, il faut toujours être actif,
La sensation est bloquée, mais notre cerveau cherche toujours à réassocier et donc à réintégrer ses sensations. Et donc à débloquer la sensation. Ce sont les crises d’angoisse. Je décrirai plus en détail ce qui se passe lors de la crise dans le prochain épisode sur les schémas répétitifs.
3eme point. La personne victime de traumatisme vit un état de stress chronique, les mécanismes du stress ne sont plus ajustés aux événements, le système est « suractivé » engendrant des troubles somatiques :
• Les troubles gastro intestinaux (syndrome du côlon irritable, constipation, diarrhée, etc),
• Des troubles cardio-vasculaires telles que palpitations, hypertension artérielle,
• Des troubles en lien avec des douleurs et/ou des inflammations : maux de dos, maux de tête, douleurs articulaires, arthrite, fibromyalgie
• Troubles du sommeil
• Troubles métaboliques (diabète, hypertension, etc.),
Ces troubles sont variables d’une personne à une autre, chacun a sa zone de fragilité.
Et dans le cas des viols et de l’inceste, les somatisations peuvent se manifester au niveau gynécologique, comme un trouble en conséquence des agressions :
• Les troubles gynécologiques (douleurs pelviennes, masses pelviennes, des règles douloureuses, endométriose… etc)
• Les difficultés autour de la possibilité d’être enceinte, d’avoir un enfant, …
• Le corps peut être comme une barrière de protection : ainsi les troubles gynécologiques rendent les rapports sexuels désagréables, compliqués, voire impossible (par ex, vaginisme).
L’image du corps est elle-même impactée.
Quant à la sexualité, la personne victime d’inceste peut s’en couper en étant abstinent, avec un vécu de l’intimité difficile et le sexe vécu comme sale, avec l’aversion d’être touchée. L’accès au plaisir peut être aussi coupé. Ou le sexe pourra être vécu à outrance, pour différentes raisons que je ne vais pas détailler ici mais déjà pour vous donner un repère. Je ferai à ce sujet une série entière sur le corps, le rapport au corps et à la sexualité.
Le vécu du traumatisme part de l’insécurité vécue par le corps, la tête étant hors service quand la perception de danger est trop grande. Les vécus internes sont très douloureux et c’est ici mon 4eme point : Et ces vécus internes douloureux vont amener la personne victime de traumatisme, et notamment l’inceste à essayer :
• D’éviter les situations qui amènent un rappel des sensations douloureuses, cela fait écho ici aux crises d’angoisse, phobies etc… qui feront l’objet d’un épisode à part entière
• de se couper de la sensation, en tentant de la gérer, une forme de contrôle du mal être pour essayer de se sécuriser : contrôle obsessionnel des choses, organisation, tri…etc ;
• c’est aussi relié à l’anxiété : c’est difficile de se stabiliser dans un état d’être serein au présent, difficile de trouver une explication logique à ce qui se passe, alors je tente de reprendre le contrôle de la situation, en gérant les choses, en contrôlant ce qui peut l’être au présent et en anticipant le futur.
• Il y a donc les stratégies d’évitement de situation, de contrôle, et il y a également les stratégies d’anesthésie : et là, ce sont les addictions qui vont « permettre » ça : une dissociation grâce à la consommation d’un produit (drogues, consommation d’alcool, compulsions de nourriture) qui va permettre de se couper des sensations ou des émotions
• Ou à l’inverse, d’aller vers le trop, vers les conduites à risque, pour permettre au système de disjoncter à nouveau et donc s’anesthésier.
Nous avons déjà évoqué différents points : la notion d’hypervigilance, la sensation de mal être, l’hyperactivation du système nerveux et aussi la tentative d’apaisement, de contrôle. Finalement ce sont les manifestations du corps et de comment nous tentons de la gérer. Il y a cet état interne qui peut être dans un ou plusieurs domaines de notre vie, et l’état peut être plus généralisé.
Après cette première partie qui détaille finalement l’insécurité vécue à l’intérieur, de soi à soi, j’aimerais à présent vous parler des liens aux autres.
L’inceste crée une difficulté majeure dans le lien
• A partir du moment où on a vécu une agression, un viol et a fortiori un inceste, l’autre est perçu et même « senti » comme dangereux. C’est une évidence, nous avons été attaqué par l’autre. En présence de l’autre, on perçoit comme un danger de mort.
• D’autant plus que cet autre être humain est un membre de notre famille, lieu même où se construit notre sécurité interne et sécurité de lien avec l’autre.
• Cela est d’autant plus impactant si l’agresseur est une figure d’attachement, les parents.
• Et le manque de sécurité se joue dans l’agression et aussi dans la réaction, ou plutôt non réaction des figures d’attachement. L’entourage qui ne voit pas, ne croit pas, laisse faire…
A partir de là, c’est très difficile d’avoir confiance dans l’être humain, se sentir en sécurité et de construire des relations de confiance, à tous les niveaux de relation et d’autant plus dans l’intimité du couple. Comment faire confiance en l’autre quand la base de sécurité est inexistante en soi? quand le lien à l’autre a été détruit?
Résultat : je suis seul et je ne peux compter que sur moi. Être avec l’autre n’est pas tranquille et même dangereux.
Les liens ont été pervertis, les agressions vécues dans la solitude. Et cela crée au présent des difficultés relationnelles dans toutes les situations similaires au vécu du traumatisme.
D’ailleurs, il y a les agressions en elles-mêmes et aussi tout ce qui est relié aux formes d’attachement. Je vais consacrer une série entière sur le lien et la notion de sécurité.
En résumé, la personne victime d’un viol, d’une agression sexuelle, d’un inceste peut souffrir:
• D’hypervigilance et d’intranquilité en lien avec un système d’alarme trop activé, décalibré
• Une sensation de mal être
• Un état de stress chroniques avec des troubles somatiques en lien avec une hyperactivité du système nerveux autonome et des troubles gynécologiques, somatisation des agressions ; la relation à l’image du corps est altérée et les relations sexuelles présentent des difficultés
• des tentatives de gestion de ses sensations et états d’être douloureux : conduites de contrôle, d’évitement, anxiété, addictions ou conduites à risque
• Le lien à l’autre est insecure.
Finalement, plus le traumatisme est important, plus la personne victime du traumatisme se coupe d’elle-même, se dissocie (forme d’anesthésie, de personnalisation, sensation d’être spectateur de sa vie) et se coupe des autres (sensation de vivre dans une bulle, dans son monde). A un moment, il se peut même qu’on ne puisse pas s’en rendre compte. Une forme de distorsion de la réalité.
Il faut bien comprendre que la personne victime de traumatisme n’est pas responsable de ces états ; ce sont des mesures de protection qui ont été les plus adaptées pour survivre au traumatisme. Un mode de survie en somme. Ce sont des conséquences normales face à un danger sans solution.
Ces conséquences ne sont pas une fatalité, mais des sensations somatiques qui peuvent être accompagnés, pour se construire soi, en lien avec les autres.
Voilà c’est la fin de cet épisode, si vous avez aimé cet épisode, n’hésitez pas à le partager autour de vous et à vous abonner ; et surtout ça serait génial si vous pouvez prendre quelques minutes pour mettre 5 étoiles sur Apple Podcast ou spotify ou une autre application de Podcast, ça va aider énormément ce podcast. Merci à vous. Je vous retrouve mardi prochain pour un nouvel épisode, d’ici là, prenez bien soin de vous !